Lors de ma veille informationnelle sur le MLM, je tombe souvent sur des sites et des vidéos anglophones de personnes affirmant que l'industrie du marketing de réseau utilise des techniques de manipulation psychologique similaire à celles des sectes, voire en représente une elle-même.
Il n'existe pas de définition juridique du mot « secte », ni de définition satisfaisante de ce terme par les dictionnaires (papier ou en ligne). Il s'agirait d'un groupuscule (religieux, politique, commercial...) prônant un mode de vie opposé à celui de la majorité, reclus sur lui-même et voulant imposer à l'autre son idéologie. Quant à la définition du marketing relationnel, je vous renvoie à cet article pour que vous puissiez en savoir plus.
Certains internautes hostiles au MLM, américains pour la plupart, écrivent que ce modèle d'affaires présentent des dérives sectaires pour des raisons diverses : déclin de responsabilité des entreprises quant aux activités de leurs représentants, promesses mensongères, intolérance face aux idées adverses, impossibilité de « quitter le bateau » facilement...
Si cela est vrai, alors je dois absolument cesser ma micro-entreprise et trouver autre chose. Je n'y crois évidemment pas. Cependant, il me paraît quand même bon d'analyser le sujet car je suis sensible aux articles « anti-mlm », et ne remets pas en question les témoignages négatifs des internautes positionnés contre cette industrie.
Dans mon analyse, nous allons donc scanner les étapes de la carrière d'un networker, que nous appellerons Sylvain, et détecter à chaque fois quand est-ce qu'il doit soupçonner sa compagnie d'avoir des dérives sectaires.
De la prospection à la signature du contrat d'agrément
Nous partirons d'une situation où le networker cherche à recruter un nouveau membre dans son équipe de vendeurs. À quel moment le prospect doit-il fuir l'« opportunité » qui lui est proposée ?
Vente d'un rêve, d'un lifestyle
Que ce soit au téléphone, par message, directement par rendez-vous physique ou téléphonique, le prospect Sylvain doit faire très attention aux paroles qui lui sont adressées. Est-ce que ces déclarations vendent du rêve, vendent un style de vie riche avec piscine, Lamborghini, vacances à volonté, villa ? Surtout, est-ce qu'on lui promet d'atteindre l'indépendance financière s'il travaille dans telle société de MLM ?
Ce n'est pas mal en soi car toute entreprise lucrative a pour but de faire miroiter une vie meilleure que celle que le client aurait sans la consommation du produit ou service qu'elle offre. Il s'agit d'une technique commerciale tout ce qu'il y a d'ordinaire. L'on voit cela tous les jours avec les affiches ou spot publicitaires, par exemple avec la publicité de Charal de début d'année 2021 où la viande fournie serait tellement délicieuse qu'elle en ferait danser un bébé dans le ventre de sa mère (publicité qui m'a fait rire de surcroît).
La méfiance est de mise dès lors que cette mise en scène est accompagnée de promesses mensongères. Par exemple, si l'on prétend à Sylvain que recommander l'entreprise à son réseau est aussi facile que de recommander un restaurant qu'on n'aime, si l'on déclare qu'il suffit d'un téléphone et de quelques appels pour réussir à créer une équipe, ou encore si l'on lui affirme qu'il a de grandes chances d'atteindre des objectifs financiers en suivant sans broncher des mentors de l'entreprise – même si ces derniers ont véritablement réussi – alors nous l'enfermons dans une utopie qui a peu de chances de devenir réalité.
Or, une pratique sectaire est de promettre à ses victimes une vie de rêve, vie qui ne se réalisera sans doute jamais.
Diabolisation du salariat
Pour pouvoir déterminer si l'entreprise du MLM qui veut recruter le prospect est sérieux ou a des tendances sectaires, il lui appartient d'évaluer le rapport de ses représentants au salariat. En termes très simples, le salariat consiste à être employé par une entreprise et d'être payé à l'heure pour une charge de travail définie en avance. Le salaire mensuel y est aussi prévisible et est versé à chaque fin de mois.
S'il est bon pour une société de MLM de promouvoir l'entrepreneuriat, vu qu'elle signe des partenariats avec des travailleurs indépendants (travaillant sous le statut de VDI, de micro-entrepreneur ou d'entrepreneur) au lieu d'embaucher des employés, il faut s'en méfier aussitôt que ses représentants prononcent un discours biaisé sur le salariat.
En bref, ne croyez pas ceux qui disent sans aucune nuance que le salariat est « un milieu professionnel où nous sacrifions une grande partie de notre temps de vie pour payer nos factures et enrichir notre patron ».
Prenons un cas de figure courant dans le milieu du marketing de réseau : le « piège du 40/40/40 ». Quelques leaders hostiles au travail traditionnel proclament que nous perdrions 40 années de notre vie à travailler 40 heures par semaine pour accomplir les rêves de notre employeur, et qu'au temps de notre retraite nous ne disposerions plus que de 40% de notre ancien salaire pour survivre.
Un second argument posé est celui de la perte de temps, d'énergie et d'argent qu'occasionnerait la vie « prônée par la société » : jeunes, nous aurions du temps et de l'énergie, mais pas d'argent pour en profiter pleinement. De 25 à 65 ans, nous posséderions de l'énergie et de l'argent, mais pas de temps, le travail salarial nous occupant énormément. Et de 65 ans à notre mort, nous disposerions enfin d'argent (grâce à la cotisation pour la retraite), et de temps, mais non plus d'énergie.
Ces arguments sont valides d'un côté, car l'entrepreneuriat (au sens large) peut permettre une réelle ascension de notre mode de vie, tandis que nos perspectives d'évolutions dans notre travail sont faibles. Mais, de l'autre côté, le salariat assure une certaine sécurité financière, le salaire reçu étant fixe, tandis que l'échec ou absence de décollage d'une entreprise peut facilement plonger l'indépendant ou le propriétaire d'une société dans des difficultés financières.
Ajoutons à cela que les banques et les propriétaires d'un appartement sont beaucoup plus susceptibles de faire un crédit (pour une maison, pour une voiture), ou d'accepter la location d'un appartement à un salarié qu'à un entrepreneur. Ainsi, les représentants d'une société de MLM peuvent dire en quoi l'entrepreneuriat est meilleur que le salariat, mais ils ont surtout le devoir de révéler à la future recrue les « pour » et les « contre » de chacun de ces modes de travail. Une vision manichéenne du monde, y compris professionnel, est révélatrice d'une secte potentielle.
Pression du représentant pour intégrer le prospect à la société MLM
À la fin d'une représentation, est-ce que Sylvain a le choix de dire « oui » ou « non » à la compagnie qui lui partage l'offre commerciale, ou est-ce que cette dernière lui met la pression pour qu'il opte pour le choix « oui » à contrecoeur ? Cette question est primordiale pour pouvoir séparer le grain de l'ivraie.
Si le présentateur de l'opportunité d'affaires harcèle l'invité qui veut du temps pour réfléchir à entreprendre au compte de l'entreprise, s'il lui fournit un faux choix (par exemple entre « retourner dans la rat race ou saisir maintenant l'opportunité [qui lui est offerte] pour s'offrir un nouveau style de vie »), alors le prospect doit fuir sans regarder derrière lui. La réponse de la recrue potentielle suite à un rendez-vous et/ou à une présentation d'un projet d'entreprise doit être totalement libre.
Du début de l'activité au succès... ou à l'échec
À ce stade, le prospect Sylvain a signé auprès de son parrain le contrat d'agrément lui donnant le droit de démarrer une activité non-salariée tout en représentant l'entreprise qui l'a recrutée. Alors, d'autres questions sont à se poser pour être certain de ne pas faire partie d'une secte à caractère commercial.
Pression de la upline
Est-ce que la upline du nouveau networker, c'est-à-dire son parrain, sa marraine et toutes les personnes ayant plus d'ancienneté que la nouvelle recrue, lui impose de faire des choses qui vont à l'encontre de sa volonté ? Certes, dans le MLM, il n'y a pas de secret : seul le travail acharné paie, et il faut savoir sortir de sa zone de confort pour pouvoir aller loin. Il n'en demeure pas moins que le distributeur indépendant doit s'assurer que sa upline ne l'oblige pas à pratiquer des techniques marketing qui ne lui conviennent pas.
L'illustration la plus évidente est celle de la liste de contact. Tandis qu'il y a un grand vivier de prospects dans le « marché froid » et sur Internet, est-ce que les coachs du distributeur lui permettent de prospecter des inconnus plutôt que de démarcher ses propres connaissances, si vendre un produit ou un service à ses amis ne lui plaît pas ?
Puisqu'il est difficile de rentabiliser son activité en contactant son « marché chaud », l'ambassadeur de la compagnie de MLM concernée doit avoir le choix d'utiliser d'autres moyens : prospection indépendante sur les réseaux sociaux (sans spam, mais via la création de lien et de valeur), publicité payante, inbound marketing (blog, vidéo, newsletter, vente de formation, tunnel de vente...).
En résumé, une upline à l'écoute des besoins de ses filleuls est digne de confiance, tandis que dans une secte il faut suivre aveuglément ce que notre supérieur, ou notre « gourou », nous demande d'accomplir.
Une petite astuce : si votre parrain ou marraine vous oblige à vous endetter, par exemple pour conserver un statut de distributeur « actif » ou pour participer à un séminaire national ou international, alors quittez votre entreprise le plus vite possible !
Liberté d'expression
Est-ce que la upline du distributeur indépendant Sylvain répond correctement à ses doutes, ou est-ce qu'au contraire elle lui exige de s'en défaire ? Au fur et à mesure de son entreprise, le nouveau networker va rencontrer des obstacles, typiquement beaucoup de réponses négatives de la part des prospects qu'il a démarchés.
Il va aussi prendre conscience de la mauvaise réputation du MLM auprès du grand public, peut-être recevoir des avertissements de la part de ses proches (qu'ils maîtrisent le sujet du marketing de réseau ou non). Dans tous les cas, il aura beaucoup d'interrogations quant à son activité, à son entreprise, à l'industrie du MLM en général.
Si ses managers répondent en toute transparence et honnêtement au distributeur, alors tout va bien. Au contraire, s'ils lui blâment de se poser toutes ces questions naturelles, alors nous retrouvons la caractéristique de la confiance aveugle à un groupe ou une entité, ce qui s'apparente à une secte.
De manière générale, le parrain, ou la marraine, du consultant est un conseiller auquel se confier. Son expérience peut lui apporter beaucoup, et il est bon qu'il suive ses indications. Néanmoins, sa « coachabilité » ne doit pas être synonyme d'obéissance totale. Le distributeur doit être en droit d'user d'esprit critique avant d'agir.
Isolation
J'ai été très choqué de lire dans le web anglophone que certains distributeurs de MLM n'hésitent pas à demander à leurs filleuls de se séparer de leurs proches si ceux-ci refusent d'acheter leurs produits/services, voire leur demande de cesser leur activité.
Reprenons le parcours de Sylvain : si sa upline lui demande de « couper les ponts » avec tous ceux qui disent « non » à son offre commerciale ou à son opportunité d'affaires, alors celui-ci se retrouve dans un phénomène d'isolation spécifique aux sectes. L'idée erronée, ici, serait que le réseau de Sylvain le freinerait dans son parcours vers l'indépendance financière, lui « volerait » son rêve d'entrepreneur à succès.
Culpabilisation
Durant les périodes où Sylvain (plus sa downline le cas échéant) peine à générer du chiffre d'affaires, est-ce que son mentor l'encourage à persévérer, ou est-ce qu'au contraire il le fait culpabiliser sur ce qui lui fait peut-être défaut ?
Une manipulation psychologique qui pourrait être employée par des networkers peu scrupuleux, consisterait à accuser Sylvain d'avoir un mauvais mindset ou de ne pas croire en la compagnie de MLM, alors que cela est sûrement faux. La pire chose serait de lui reprocher de ne pas travailler assez pour pouvoir gagner des revenus conséquents. Peut-être Sylvain ne commet-il véritablement pas assez d'efforts, ou est-il vraiment fainéant.
Mais il est plus probable qu'il manque simplement de pratique et de maîtrise, le métier de marketeur de réseau étant difficile et exigeant. Tout le monde ne peut pas réussir en marketing relationnel même en travaillant régulièrement, de fait 9 networkers sur 10 échouent. C'est pourquoi si le distributeur se fait réprimander à tort par son coach, il doit s'alerter immédiatement sur le bien-fondé de l'entreprise de MLM qu'il représente, et de sa upline qui constitue l'image de son entreprise.
La fin de l'aventure
Nous partirons ici du principe que Sylvain a échoué à pérenniser son entreprise, et choisit donc de cesser le métier du marketing relationnel.
Facilité d'arrêt de l'activité
Par politesse, Sylvain annoncera l'arrêt de son activité à sa upline ainsi qu'à la communauté de la société avec qui il a travaillé. Dans ce cas, cette upline ne doit pas chercher à le retenir, bien qu'elle puisse lui demander les raisons de son départ. Autrement, l'on inflige de la pression inutile à l'ex-networker. Si l'on vous force à poursuivre votre entreprise contre votre volonté, ce n'est pas du tout une bonne nouvelle. Le pire des arguments dans ce cas serait de vous dire, d'un ton menaçant, que « quitters are losers and loser are quitters ».
Le propre d'une secte est qu'il est très difficile de s'en émanciper. Ainsi, Sylvain ferait parti malgré lui d'une secte s'il ne pouvait rompre son partenariat avec l'entreprise qu'il avait représenté (en plus de tout ce qui a été expliqué plus haut).
Relations avec votre ancienne équipe (upline comme downline)
Une fois l'entreprise de MLM quittée, quels sont les liens tissés entre notre ancien distributeur, son ancienne équipe et sa communauté d'antan ? Est-ce que ces relations sont cordiales ? Ou est-ce que les équipiers de Sylvain ont ostracisé ce dernier ? Dans le deuxième cas, la similitude avec une secte est évidente : une fois qu'on les quitte, nous nous rendons compte que notre nouvelle « famille » n'était qu'une façade.
Ce que notre société de MLM nous a apporté... ou enlevé
Il s'agit certainement de la question la plus importante. Elle concerne aussi bien un networker dont le business est en cours, que quelqu'un qui a déjà « réussi » ou qu'un autre qui a arrêté : que retenir de notre activité ? Quels ont été ses bénéfices pour nous ? Qu'est-ce que ça nous a apporté de mauvais (le cas échéant) ? Est-ce que nous recommanderions cette activité sans qu'il y ait pour nous d'enjeu lucratif ? Si nous pouvions revenir en arrière, est-ce que nous recommencerions à pratiquer la vente à domicile indépendante ? Répondre à toutes ces interrogations nous aident à établir si la société à laquelle nous avons vendu nos aptitudes commerciales était sérieuse, ou si nous en avons été victime.
Pour moi, la réponse est claire : la seule question de savoir si l'industrie du MLM est une secte ou présente des tendances sectaires n'a a priori pas de sens. Ma réponse à cet article est évidemment « NON ».
Pourtant, au vu de tout ce que j'ai lu, entendu, expérimenté, je sais que le milieu du marketing relationnel n'est pas tout blanc (ni tout noir!). Et, encore une fois, je ne remets pas en question la parole des éventuelles victimes de distributeurs immoraux (et il y en a). C'est pourquoi mon propre apport à l'édifice devait nécessairement être complexe et nuancé.
J'espère que vous avez apprécié mon avis sur le sujet. N'hésite pas à dire ce que tu en penses en commentaire !
Avant que tu ne partes, j'ai quelque chose pour toi : une ressource offerte pour accumuler des prospects comme jamais dans ton business MLM et (enfin) gravir les rangs de ta société.
Yorumlar